samedi 26 mai 2018

Les fantasmes de Lucie (1)


Ça vit un fantasme. Ça naît. Ça prend son essor. Ça comble son ou sa « propriétaire ». Trois jours. Ou trois semaines. Ou trois mois. Et puis ça s’étiole. Ça s’épuise. Ça disparaît. C’est remplacé par d’autres qui, à leur tour…
Il y a ainsi une foule de fantasmes dont on perd jusqu’au souvenir de les avoir un jour caressés avec passion. D’en avoir fait, pendant un certain temps, un usage quasi quotidien. Et c’est dommage. Parce qu’ils nous parlent de nous, nos fantasmes. De ce qu’on est, même si on ne le voudrait pas toujours. De ce qu’on a été. De ce qu’on se refuse parfois à être pleinement. De ce qu’on redeviendra peut-être. Ils sont, pour ainsi dire, notre patrimoine personnel. Un patrimoine qu’il est de notre devoir de préserver. Au même titre que les autres. C’est pourquoi j’ai décidé de tenir dorénavant, aussi méthodiquement que possible, le journal de mes fantasmes.

Dans la plupart des histoires que je me raconte, on me corrige, on me fesse, on me fouette à qui mieux mieux. On me fait subir mille avanies. On me soumet à des interrogatoires humiliants. On fait preuve d’une imagination débordante pour m’amener, vaincue et repentante, à la raison. Soyons clairs : ce sont des comportements qui, dans le monde réel, sont parfaitement inacceptables. Et condamnables. Mais le fantasme nous projette dans une autre dimension. Et si je m’abandonne d’aussi bonne grâce, et en y prenant un incontestable plaisir, à ce qu’on y exige de moi, c’est qu’en réalité, c’est moi qui mène le jeu. Mes « bourreaux » ne m’imposent que ce que je décide qu’ils m’imposent. Que ce qui me convient à moi. C’est aussi que les coups, aussi violents soient-ils, ne sont que virtuels. Qu’ils ne laisseront pas la moindre trace. Ni sur le corps ni sur l’esprit.

Deux « filons » alimentent principalement mes « imaginations »
D’abord, bien évidemment, la vie quotidienne. Il peut suffire d’une phrase anodine, d’un regard croisé par hasard, dans la rue ou ailleurs, pour que la machine se mette en marche et m’entraîne aussitôt sur des routes improbables.
Souvent plus consistants, en tout cas plus durables, sont celles qui mettent en scène des personnes avec lesquelles je suis amenée à être fréquemment en contact. Tel voisin, par exemple, avec qui j’échange de temps à autre quelques mots par-dessus la haie, ignorera toujours qu’il lui arrive régulièrement de m’administrer de vigoureuses et retentissantes fessées, déculottée, de ses grosses mains calleuses, parce qu’il me surprend à fouiller, chez lui, dans ses affaires. Et j’y retourne. C’est plus fort que moi.
Cette autre voisine, au bout de la rue, me découvre en pleine action avec le Jérémie dont elle est follement éprise. Et me fait passer, chaque fois, un très mauvais quart d’heure.
Et le boulot ! C’est une mine, le boulot. À de très rares exceptions près, j’ai eu affaire, sous un prétexte ou sous un autre, à tous mes collègues de travail. Hommes et femmes. Et, bien sûr, aux chefs.
Sans oublier les commerçants, livreurs et autres professionnels de toute sorte avec lesquels je suis régulièrement en contact. On voit que je ne manque pas de matière.

Le deuxième filon, dans lequel je puise abondamment, ce sont mes lectures. Il surgit parfois quelque chose d’inattendu, au détour d’une page, que j’éprouve l’impérieux besoin de m’approprier. De toute urgence. Et puis il y a l’Histoire. Dont j’ai toujours été férue. L’Histoire qui m’ouvre tant de portes. Il y a tant d’événements auxquels je peux participer. De personnages auxquels je peux m’identifier. D’époques au cœur desquelles je peux me projeter. La Rome antique, l’Inquisition, la Révolution française sont, pour des raisons que l’on comprendra aisément, mes périodes de prédilection. Auxquelles je ne cesse de revenir encore et encore.

Bon, mais il est temps d’entrer dans le vif du sujet.

6 commentaires:

  1. On lit, on se régale, on attend, et là : Bon, mais il est temps d’entrer dans le vif du sujet. Et stop. Merci, François grrr.

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  2. juste une toute petite semaine d'attente…

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  3. Mais, si les fantasmes de Lucie changent tous les trois jours.... ça nous fera rater des tournées xDD

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  4. Oh, non! Elle aura à cœur de tenir scrupuleusement à jour le "catalogue" de ses fantasmes. ;)

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