http://kalidwen.wordpress.com
http://fesseeo.net
Schmidt
était convaincu que, pour vendre nos produits aux Allemands, dont il
voulait à tout prix décrocher la clientèle, il nous fallait un
collaborateur de langue allemande.
– Qui
pourrait, mieux que lui, pénétrer la mentalité de notre acheteur ?
Ce n’est pas seulement qu’ils parlent la même langue. C’est
qu’ils ont les mêmes approches. Qu’ils partagent la même
culture et les mêmes préjugés.
Et,
un beau matin, on a vu débarquer Fräulein Ilge. Qui était
compétente, ravissante, parlait un français impeccable et détestait
viscéralement les Américains.
– Ils
se prennent pour les rois du monde, mais ils n’ont jamais rien
inventé. Ils se sont toujours servis de façon éhontée chez les
autres. Tiens le hamburger, par exemple… Tout le monde croit ça
américain. Eh bien, pas du tout. C’est une spécialité de
Hambourg. Ils se la sont appropriée. Comme tant de choses.
Elle
avait des exemples à foison. Qu’elle dégainait à la moindre
occasion.
– C’est
comme la fessée d’anniversaire ! Elle existait en Allemagne
bien avant qu’elle devienne à la mode chez eux.
Romain
était dubitatif. Faisait semblant de l’être.
– Ça
existe pas vraiment ces trucs-là…
– Ah,
si, si ! Va voir sur Internet.
– Oui,
oh, mais c’est des mises en scène. Pour faire de l’audimat.
Elle
s’agaçait.
– Mais
pas du tout enfin ! Tu nous verrais, nous, à Görlitz. C’est
extrêmement rare qu’il y ait un anniversaire sans fessée.
Il
faisait la moue.
– Tu
parles ! Trois ou quatre petites claques, comme ça, par-dessus
la jupe ou le pantalon. On peut pas vraiment appeler ça des fessées.
– Mais
t’en sais rien ! Qu’est-ce t’en sais ? Tu y étais ?
– Alors,
en fait, ce que t’es en train de nous dire, c’est que chez vous,
là-bas, ça se passe le derrière à l’air.
– Pas
toujours ! Pas systématiquement. C’est, le plus souvent, à
même la culotte. Mais ça arrive aussi que ce soit sans. Ça
arrive ! Surtout dans le milieu étudiant. Où on ne s’encombre
pas de préjugés.
– Et
à toi, ça t’est arrivé ?
– Ben,
évidemment ! Tous les ans. Depuis que j’ai dix-huit ans, tous
les ans.
– Cul
nu ?
– Une
fois. Pour mes vingt-cinq ans. Non, deux. L’an dernier aussi.
Romain
n’était toujours pas convaincu.
– J’en
crois pas un mot.
Erwan
était hilare.
– Vous
savez quoi ? C’est son anniversaire à Ilge la semaine
prochaine.
– C’est
pas vrai !
– Eh,
si !
– Mais
alors…
Mais
alors, oui…
Et
on lui a préparé une petite fête. Tous les cinq. Tous ceux du
service. Avec gâteaux. Bougies. Le Saint-Émilion dont elle
raffolait. Et de menus cadeaux.
– Joyeux
anniversaire, Ilge !
Elle
était ravie.
– Vous
êtes des amours.
On a
ri. On a parlé. On a bu. On a chanté.
Et
puis Erwan a pris la parole.
– Nous
savons, chère Ilge, que là-bas, à Görlitz, un anniversaire ne se
conçoit pas sans fessée.
Elle
a imperceptiblement accusé le coup.
– Nous
savons aussi que c’est une tradition à laquelle tu es profondément
attachée. Que cette journée, pour toi, serait incomplète – et
finalement décevante – si elle n’était pas respectée.
Romain
a renchéri.
– D’autant
qu’en douze ans ce serait la première fois.
Et
même Émilie.
– Ça
te porterait malheur, du coup, de pas en recevoir une.
Elle
était prise au piège. Le moyen de se défiler sans se déjuger ?
Sans admettre qu’elle nous avait raconté des histoires ?
Erwan
a posé son pied sur la petite table.
– Bon,
ben allez, action ! Tu viens ?
Elle
a bravement fait face, s’est avancée, penchée en avant.
– Ah,
ben non, non ! Ça vaut pas par-dessus la jupe. Tu l’as dit
toi-même.
Elle
l’a retirée sans un mot, jetée derrière elle.
– Et
même… C’est important trente ans ! C’est un cap dans la
vie. Faut marquer le coup. Alors sans la culotte ce serait encore
mieux, non, tu crois pas ?
Tout
le monde a approuvé.
– Ah,
ben oui, oui, c’est évident.
– Surtout
que ce sera pas la première fois pour elle.
– Et
que ça lui portera chance pour toute l’année.
Elle
n’a pas protesté. Elle s’est docilement laissé déculotter,
s’est penchée, d’elle-même, sur la cuisse d’Erwan.
– Joyeux
anniversaire, Fräulein !
On a
fait chorus.
– Joyeux
anniversaire !
Et
la première claque est tombée.
Hum. Vous en savez, des choses, vous, François... lol
RépondreSupprimerJe me cultive… ;) surtout quand le sujet d'étude me semble intéressant…
SupprimerC'est marrant, ce récit fait écho chez moi lol! Toujours sympa les traditions de nos voisins.
RépondreSupprimerHeu… C'est quand votre anniversaire? ;)
SupprimerCes jours-ci 😉
RépondreSupprimerOh, mais ça tombe super bien alors! ;)
Supprimer