Elle
a reposé sa tasse, froncé les sourcils.
– Il
y a des gens qui se disputent quelque part, on dirait…
– En
bas, oui.
– Des
femmes. Ce sont des voix de femmes.
– L’entente
n’est en effet pas toujours des plus harmonieuses au sein de mon
personnel féminin.
– Et
vous n’intervenez pas ?
– Rarement.
Je laisse le plus souvent Gertrude, ma cuisinière, régler les
conflits qui surviennent. Elle le fait de façon très efficace et,
il faut bien l’avouer, parfois fort plaisante.
– Comment
cela ?
– Le
ton monte. Venez ! Descendons ! Vous verrez par vous-même.
– Elle
a recommencé, Madame ! Elle a recommencé. Elle peut pas
s’empêcher. Alors…
– Je
vois, Gertrude, je vois…
– Il
y a que ça qu’elle comprend. C’est la seule solution avec elle.
Ah, garce, je vais te le rougir ton pétrousquin, moi, tu vas voir !
Même que tu vas pas pouvoir t’asseoir d’un moment !
– S’il
te plaît, Gertrude !
– Quoi ?
C’est pas la première fois que Madame te voit les fesses à l’air.
Quant à l’autre Madame, elle est sûrement pas née de la dernière
pluie non plus.
– Ça
fait bien trop honte devant elles.
– Parce
que voler dans le garde-manger et dans les réserves, ça, par
contre, ça te fait pas honte. Accuser effrontément les autres de
ton forfait non plus…
– Je
le ferai plus.
– Ah,
non, tu le feras plus, non. Parce que je vais t’en faire passer
l’envie.
– Ça
fait mal !
– Tu
m’en diras tant… C’est ça, gigote ! Et laisser les autres
faire la besogne à ta place pendant que tu te roules dans le foin
avec Basile, ça non plus, ça te fait pas honte. Quand on a le feu
au cul, hein !
– S’il
te plaît, Gertrude ! Je t’en supplie…
– Là,
au moins, tu vas l’avoir pour quelque chose le feu au cul ! Et
ce que t’as fait le soir de la Saint-Ignace, tu veux que je leur
raconte aux madames ? Tu veux ?
– Oh,
non, hein ! Non !
– Alors
arrête tes simagrées. C’est ça, chiale ! Tu pisseras moins.
Mais si tu crois que c’est ça qui va m’apitoyer, tu te fourres
le doigt dans l’œil, ma petite, et jusqu’au coude.
– Vous
reprendrez bien une tasse de thé, ma chère ?
– Volontiers,
oui. En tout cas, on peut pas dire… Votre cuisinière a la main
lourde.
– N’est-ce
pas ?
– Et
après la correction qu’elle vient de recevoir, je doute que cette
petite servante soit tentée de récidiver.
– Victoire ?
Détrompez-vous ! La leçon portera un mois. Peut-être deux. Et
elle recommencera. Elle est incorrigible.
– Et
les autres ? Votre cuisinière les soumet-elle au même
traitement ?
– Pas
toutes, non. Loin de là. Mais il y a trois ou quatre indociles, ou
paresseuses, ou étourdies dont c’est fréquemment le lot.
– Oh,
mais je sens que je vais venir prendre le thé beaucoup plus souvent
chez vous, moi !
– Quand
vous voudrez, ma chère ! Quand vous voudrez… Ce sera avec
plaisir.
Á mon avis, “Le festín de Babette” devrait être réécrit sur ce modèle-là.
RépondreSupprimerCe qui donnerait un résultat pour le moins inattendu.
RépondreSupprimerCa évite toute la paperasse pour un licenciement, c'est bien...
RépondreSupprimerOui, mais c'était… avant. On imagine mal la même chose aujourd'hui ;)
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