James Tissot. Room
Overlooking the Harbour. (entre 1876 et 1878)
On m’a saisi
le bras au passage.
– Tu me
reconnais pas ?
– C’est pas
vrai ! Clotilde ! Mais qu’est-ce que tu fais là ?
– La
même chose que toi, j’imagine ! J’embarque pour les
États-Unis. Bon, mais reste pas planté comme ça !
Assieds-toi ! Qu’on discute un peu.
Clotilde !
Si je m’étais attendu… Clotilde !
– Qu’est-ce
tu vas faire là-bas si c’est pas indiscret ?
– Rejoindre
mon mari. Qui est américain. On habite Philadelphie. Et toi ?
– La
société pour laquelle je travaille a son siège à New York. Je
fais l’aller et retour plusieurs fois par an.
Clotilde !
Je ne savais jamais quand j’allais la voir surgir chez moi, à
l’époque, mais j’en connaissais toujours la raison : elle
venait chercher sa fessée. En toute discrétion.
– Il
y a combien de temps qu’on s’est pas vus ?
– Oh,
pas loin de dix ans !
Elle
frappait. Elle entrait. On ne parlait pas. On ne parlait jamais.
Rien. Pas un mot. Ce qu’elle voulait, c’était que je fonde sur
elle, que je l’empoigne, que je la trousse, que je lui mette le
derrière à l’air et que je lui flanque une vigoureuse fessée.
Sans autre forme de procès. Elle gémissait, elle criait, elle
battait des jambes, mais elle ne protestait pas. Elle ne protestait
jamais. Elle se laissait docilement faire. Aussi longtemps que je le
souhaitais. Quand j’en avais fini, elle se relevait, elle se
rhabillait « Merci ! » Et elle repartait comme elle
était venue.
– T’es
retourné là-bas ?
– Pas
depuis la mort de mon père, non.
Là-bas…
Les bals. Les garden-parties. Les ventes de charité. Les
interminables parties de whist. Et Édouard, son promis, qui la
suivait comme son ombre.
– Tu
l’as pas épousé finalement !
– C’était
à deux doigts. Mais non, non, Dieu merci !
J’ai
laissé longuement traîner mon regard sur le port, les vergues des
bateaux, les vols planés des mouettes.
– À
quoi tu penses, Jean ?
– À
la même chose que toi, je suppose.
– Quand
même… Quand même… Fallait que j’aie sacrément confiance en
toi, avoue !
– Une
confiance que je n’ai jamais trahie. Ce que je n’ai jamais su,
par contre, ce que tu n’as jamais voulu me dire, c’est pourquoi
ces fessées.
– Je
méritais d’être punie. J’en avais besoin.
– Parce
que ?
– Ça
ne regarde que moi.
– Et,
maintenant, ça n’a plus de raison d’être ?
– Oh,
que si ! Plus que jamais !
Elle
a plongé ses yeux dans les miens.
– Tu
disais que tu viens souvent à New York alors ?
– Tous
les deux-trois mois…
– C’est
bizarre que le destin nous remette comme ça en contact, non ?
Tu trouves pas ?
– Oui.
Un peu comme s’il attendait de nous qu’on reprenne les choses là
où on les a jadis laissées.
– Ce
qui est très certainement le cas.
– Et
on ne contrarie pas le destin.
– Jamais.
Elle
s’est levée.
– On
commence par un petit acompte ?
J’ai
laissé passer une dizaine de minutes et je suis allé la rejoindre
dans sa cabine.
J'attends une suite avec impatience. Elle gémissait, elle criait, elle battait des jambes, mais elle ne protestait pas. C'est tout moi ça.
RépondreSupprimerLa difficulté, c'est que pratiquement pour chacun des textes de ces "détournement coquins", j'aurais envie de faire une suite si ce n'est plusieurs. Et c'est matériellement impossible. En ce qui concerne celui-ci je vais quand même y réfléchir.
RépondreSupprimeroui, oui, réfléchissez-y lol
RépondreSupprimerC'est tout réfléchi. Et ce sera pour lundi
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