Caïus fait la moue.
– Ça
marchera jamais…
– Bien sûr
que si !
– Tu crois ?
– Je crois
pas. Je suis sûre. Allez, file ! Qu’elles te trouvent pas là
en arrivant. Je t’appellerai, le moment venu.
– Bon, allez,
tout le monde est là ?
– Il manque
Julia. Elle viendra pas. Ça lui fait bien trop peur ce qu’ils vont
dire les dieux.
– Et Octavie.
Mais elle voudrait quand même savoir pour son bébé.
– Alors, on
commence. S’il y en a qui ont des questions…
Elles en ont.
Toutes.
– Est-ce
que je vais enfin tomber enceinte ?
– Est-ce
que mon père va guérir ?
– Mon
mari, avec cette autre femme ?
– Mon
voyage ? Ça se passera bien ?
– Et
les élections pour Clodius ?
– Et
mon fils ? Il sera décurion ?
– Holà !
Pas toutes en même temps. Sinon…
Elle
s’assied sur ses talons, se concentre, les yeux clos, les mains
bien à plat sur les genoux.
Elles
se taisent. Les fumées de l’encens planent au-dessus de leurs
têtes, en volutes entêtantes. Le silence se fait lourd. Compact.
Une ombre passe sur son visage.. Elles échangent des regards
inquiets. Une autre. De plus en plus inquiets. Elle fronce les
sourcils, esquisse une grimace, semble contempler quelque chose, très
loin, avec épouvante.
Antonia
n’y tient plus.
– Il
y a quelque chose qui va pas ?
D’un
geste impérieux, elle lui intime l’ordre de se taire.
Elle
se lève, s’approche du rideau sacré, tend l’oreille. Un long
moment. Et puis se tourne vers elles.
– Les
dieux ne veulent pas répondre à vos questions.
– Hein ?
Mais pourquoi ?
– Parce
que…
Elle
hésite.
– Mais
vas-y ! Dis-le !
– Parce
qu’ils estiment qu’au regard des grands malheurs qui nous
attendent, vos petites préoccupations sont dérisoires.
– Qui
nous attendent ! Mais qui attendent qui au juste ?
– Nous
tous…
– Et
c’est quoi ?
Elle
baisse les yeux. Et la voix.
– La
peste.
– Comme
sous Titus ?
– En
pire. En bien pire. C’est par dizaines de milliers que se
compteront les morts.
Elles
crient, horrifiées. Elles se frappent la poitrine. Elles s’arrachent
les cheveux.
– Mais
pourquoi ? Pourquoi ?
– Les
dieux sont profondément irrités contre les humains. Qui ont mérité,
selon eux, un châtiment exemplaire. Attendez ! Chut !
Écoutez…
Elle
hoche la tête, plusieurs fois, en signe d’assentiment.
– Ils
disent…
Elle
les fait attendre. Un long moment.
– Quoi ?
Mais parle à la fin !
– Ils
disent que la peste épargnera celles qui accepteront, de leur plein
gré, un châtiment d’un autre ordre.
– Quel
châtiment ?
– Le
fouet. Vigoureusement administré par une main masculine. Celle de
Caïus en l’occurrence.
Un
long silence. Presque aussitôt suivi d’un immense brouhaha. Qui
dure. Qui s’éternise. Qu’elle finit par interrompre.
– Les
dieux attendent une réponse.
– Est-ce
qu’on a vraiment le choix ?
– Si
vous voulez rester en vie, non.
Elles
ne veulent pas mourir. Ah, non ! Non… Elles vont en passer par
là. Même si… Elles en passeront par là. Bien obligées. Elles le
lui confirment. Toutes. Les unes après les autres.
– Ce
sera quand ?
– Maintenant.
Leurs
regards s’affolent.
– Maintenant !
– C’est
à prendre ou à laisser.
Elles
soupirent, se lamentent, supplient les dieux de leur accorder des
délais.
– Ils
s’impatientent. Ne les laissez pas changer d’avis…
C’est
Livia qui commence. Elle laisse tomber sa toge. Lentement. Avec un
profond soupir. Les autres suivent son exemple. Elles ôtent leurs
vêtements. Tous leurs vêtements. Toutes. Toutes ensemble.
Elle
passe la tête.
– Tu
peux venir, Caïus. C’est mûr. Elles sont nues. À toi de jouer.
Et ne les ménage pas !
Il
surgit. Le fouet claque et s’abat en sifflant, avec force, sur la
première croupe qui se présente. Celle d’Antonia.
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