Toujours
le même rituel dont il ne s’écarte pas d’un iota. Un à un il
lui retire tous ses vêtements. Toujours dans le même ordre. Il les
plie soigneusement, les dépose sur le fauteuil. Il prend tout son
temps.
– Venez !
Le
couloir. Comme d’habitude. Il l’arrête.
– Non,
non ! Par ici !
Une
autre porte.
– Si
Madame veut bien se donner la peine !
Une
toute petite pièce, meublée en tout et pour tout d’une chaise et
d’une table sur laquelle se trouvent des feuilles de papier blanc,
un stylo et des crayons.
– Monsieur
regrette infiniment de ne pas avoir pu assister à la fessée que
Jeanne et Victor ont administrée à Madame la semaine dernière.
Aussi souhaite-t-il qu’elle lui en fasse le récit. Aussi
circonstancié que possible. Faute de quoi…
Faute
de quoi ? Il ne précise pas. Il sort.
Elle
s’y essaie, pleine de bonne volonté. Elle écrit. Elle rature.
Elle recommence. Les mots ne viennent décidément pas. Son regard se
perd par la fenêtre. Elle lance des traits, au hasard,
machinalement, sur le papier. Un dessin commence à prendre vaguement
forme. Presque malgré elle.
Il
revient, jette un coup d’œil par-dessus son épaule, hoche la
tête.
– Madame
n’a guère avancé.
Elle
n’y arrive pas. Elle ne sait pas. Elle n’a pas l’habitude.
– Si
Madame le permet… Qu’elle ne cherche pas midi à quatorze heures…
Qu’elle se contente de relater les faits. Tels qu’ils se sont
produits.
– Ben
oui, mais…
– Qui
a fessé Madame ?
– Jeanne…
C’est Jeanne qui a commencé.
– Sans
avoir besoin de mettre le derrière de Madame à l’air. Il l’était
déjà. Et alors ?
– Et
alors elle a tapé.
Elle
dessine. Elle continue à dessiner. Une femme apparaît. Nue. De dos.
– Avec
quoi ?
– La
main.
– Vous
étiez où ?
– En
travers de ses genoux.
– Et
Victor pendant ce temps-là ?
– Derrière
moi il était.
– Il
faisait quoi ?
– Il
regardait. Et il parlait.
– Il
disait quoi ?
– Rien.
– Si
Madame veut que je l’aide… Il disait quoi ?
– Il
voulait qu’elle tape plus fort. « Fais-la gigoter un max,
Jeanne ! Que je puisse me rincer l’œil »
– Et
elle l’a fait ?
– Oui.
– Et
Madame a gigoté ?
– Ne
m’obligez pas ! Je vous en supplie, ne m’obligez pas !
– Madame
a gigoté ?
– Oui.
– Et
crié, je suppose ?
– Un
peu…
– Seulement
un peu ?
– Ça
faisait mal.
Elle
continue à dessiner.
– Et
ensuite ?
– Ils
ont… Jeanne et Victor… Ils ont…
– Baisé ?
Le mot gêne Madame ? C’est, à n’en pas douter, que le
spectacle gracieusement offert par Madame les avait l’un et l’autre
émoustillés. Madame a participé ?
– Vous
êtes fou !
– Mais
elle a été tentée de le faire. Bon, mais je laisse Madame rédiger.
Elle a maintenant tous les éléments en mains.
Monsieur
lit. Il sourit.
– C’est
criant de vérité. Il y a également, paraît-il, un dessin.
Qu’elle
lui tend.
Il
s’en empare, le glisse dans un dossier.
– Pour
solde de tout compte. Vous pouvez rentrer chez vous. Ce sera, en ce
qui me concerne, un excellent souvenir.
Il
sonne.
– Bastien
va vous raccompagner.
Elle
renfile sa robe. C’est fini. Il ouvre la porte.
– À
titre personnel, je dois dire que je vais beaucoup regretter Madame.
Infiniment.
Il
s’incline. La laisse passer. Referme derrière elle.
* *
*
Elle
sonne. Les pas sur le tapis se font attendre. Surgissent enfin,
familiers, rassurants.
– Madame ?
Madame désire ?
Elle
ne répond pas. Il reste impassible.
– Madame
aurait donc pris goût à la chose ? Je comprends Madame. Je
vais voir si Monsieur peut recevoir Madame.
Elle
fixe les volutes du tapis. Il revient.
– Monsieur
est ravi de la surprise que lui fait Madame. Si Madame veut bien se
tourner…
Et,
d’un geste précis et sûr, il descend la fermeture éclair
jusqu’au bas du dos.
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