– Madame
fait déjà beaucoup moins de difficultés on dirait… Madame a bien
raison… Ça l’avancerait à quoi ?
Il
la déshabille. Méthodiquement. Consciencieusement. Cela fait partie
de ses attributions. Il ne laisse rien paraître de ce qu’il peut
éprouver. Il ne s’autorise sans doute d’ailleurs pas à éprouver
quoi que ce soit
– En
tout cas Monsieur a trouvé Madame très à son goût… Cela ne fait
pas l’ombre d’un doute : « Tu as vu ce cul, Bastien ?
Et cette avant-scène ! Ah, il y en a une belle paire, là !
Et ils ont sacrément de la tenue… Jamais tu lui donnerais 50 ans !
Jamais… Je regrette pas… Je regrette vraiment pas… Certes elle
me coûte cher… Très cher… mais ça en vaut la peine… »
Il
dépose la culotte bien à plat sur le tas des vêtements.
– Mais,
si je puis me permettre de donner un conseil à Madame… Monsieur
est un peu déçu par la réserve de Madame… Qui devrait se laisser
davantage libre cours… Crier et se lamenter tout son saoul quand on
la fesse… Monsieur est maître du jeu… Il peut faire venir Madame
autant de fois qu’il lui plaira… Et il la fera venir aussi
longtemps qu’il n’en aura pas eu pour son argent… Alors si
Madame ne veut pas que cette situation s’éternise Madame devrait
se résoudre à s’exprimer davantage… Quoi qu’il doive en
coûter à sa petite fierté.
Il
s’efface pour la laisser passer.
– Je…
Je peux vous demander quelque chose ?
– Tout
ce que Madame voudra…
– Il
y aura encore cette fille, là ?
Il
pince les lèvres.
– Je
ne saurais vous dire… Clarisse est quelqu’un de totalement
imprévisible… Un jour ici, l’autre là…
Il
baisse la voix.
– Quelqu’un
avec qui Monsieur s’offre l’illusion de s’encanailler… Au
grand dam de Madame sa mère…
Il
soupire.
– Je
crains que Monsieur n’aille, avec elle, au-devant de bien des
désillusions…
Il
la précède dans le couloir.
– C’est
encore cette dame…
Il
la fait entrer…
– Vous ne m’avez toujours pas dit…
Jeanne
leur sert le thé. Avec les mêmes gestes immuables. Jeanne lui tend
sa tasse en la fixant d’un regard qui ne la voit pas. Jeanne
s’éloigne.
– Oui…
Vous ne m’avez toujours pas dit ce qui vous avait poussée à
détourner des sommes aussi considérables…
– Oh,
vous avez vu juste… L’ennui… Parce que ma vie… On me
jalouse : j’ai soi-disant tout pour être heureuse… Si on
savait ! Et je n’ai même pas la ressource d’incriminer qui
que ce soit… Tout est ma faute… Quand on renonce à ses rêves…
– Le
piano ?
– Le
piano, oui !
– Quand
vous décidez de vous désennuyer, ça vous revient cher à vous,
dites donc !
– C’est
que… J’ai aidé quelqu’un… J’aide quelqu’un… Qui les
vit ses rêves… Qui n’existe que pour eux… Qu’à travers eux…
Qui les réalisera, j’en suis sûre… Grâce à moi… Quoi qu’ils
doivent me coûter… Il faut qu’ils me coûtent… Le plus
possible… Il faut… Pour qu’il les réalise…
– On
passe à côté ?
Elle
s’assied au piano. Elle joue. Plus rien d’autre ne compte. Plus
rien d’autre n’a d’importance. Elle joue. Il tourne les pages
au fur et à mesure. Elle joue. Elle joue enfin. Elle joue encore.
Encore… Encore… Elle est heureuse. Elle s’arrête. Une salve
d’applaudissements éclate derrière elle
Il
la fait lever, se tourner, saluer.
Il y
a là Jeanne.
– Que
vous connaissez déjà…
Et
trois autres personnes. Qu’il lui présente tour à tour.
– Enrique,
mon chauffeur… Pamela, notre cuisinière… Et Victor le jardinier…
Vous n’avez plus qu’à faire votre choix…
– Mon
choix ? Quel choix ?
– Votre
choix, oui… Par lequel d’entre eux souhaitez-vous, cette fois-ci,
être fessée ?
Hein ?
Mais par personne ! Par aucun. Elle ne sait pas. Elle n’y a
pas réfléchi. Elle…
– Personnellement,
pour mon plaisir personnel, je vous conseillerais Victor… C’est
un solide gaillard qui n’a pas conscience de sa force et qui ne
vous ménagera pas… Le spectacle devrait valoir son pesant d’or…
– Non !
Non ! Jeanne plutôt… Oui, Jeanne !
Jeanne
s’avance, l’agrippe solidement par le bras, l’entraîne
jusqu’au canapé.
Quand l'histoire s'arrête et qu'on imagine ce qui se passe . Les personnages, les positions , les sons, les spectateurs qui regardent...
RépondreSupprimerJ'adore!
J'aime bien donner à imaginer plutôt que d'asséner. Le lecteur collabore ainsi, lui aussi, au texte.
RépondreSupprimerMerci de votre lecture et de votre commentaire.