Laurent
passait un temps fou avec Antoine dont il ne cessait de chanter les
louanges. « C’est vraiment un type exceptionnel. Qui gagne à
être connu. Qui sait une foule de choses. Sur toutes sortes de
sujets. C’est un vrai bonheur de parler avec lui. » Ils
étaient cul et chemise tous les deux. Et de plus en plus. Ils
jouaient au tennis ensemble. Allaient voir des matches ensemble.
Sautaient sur toutes les occasions qui se présentaient pour se
retrouver… Alors est-ce qu’Antoine n’allait pas être tenté,
un jour ou l’autre, de se laisser glisser sur la pente des
confidences ? De vendre la mèche ? Si ! Bien sûr que
si ! Ça allait forcément arriver. Plus j’y pensais, plus je
l’envisageais et plus ça ma paraissait évident. Je les imaginais…
Je les voyais… Je l’entendais : « Écoute, Laurent, il
faut que je te dise quelque chose. Quelque chose d’important. J’ai
longtemps hésité, mais garder ça pour moi, c’est au-dessus de
mes forces. Il faut que tu saches… Christina… Christina à qui tu
fais si aveuglément confiance, eh bien Christina… »
Il
était sous la douche.
– Ah,
oui, à propos… J’oubliais… J’ai invité Antoine à dîner…
Samedi soir…
– Antoine ?
Samedi soir ?
– Oui…
Ça t’ennuie ?
– Oh,
non ! Non ! Pas du tout !
Ça
ne m’ennuyait pas, non. Ça me terrorisait. Parce que ça sentait
le traquenard ce repas. Le coup fourré. Ils étaient de connivence
si ça tombe. Ils s’étaient mis d’accord pour me coincer. Pour
tout mettre sur la table. Ou bien alors Antoine allait prendre un
malin plaisir à multiplier allusions et sous-entendus tout au long
de la soirée tant et si bien que Laurent finirait forcément par se
douter de quelque chose. Qu’il chercherait à savoir. Et, au final,
ça reviendrait au même…
J’ai
passé toute la semaine dans la hantise de ce repas lourd de tous les
dangers. Je courais à la catastrophe. Ça me paraissait de plus en
plus évident. Inéluctable. La dernière nuit, celle du vendredi au
samedi, je n’ai pas fermé l’œil une seule seconde et, au matin,
je n’y ai plus tenu. Je suis discrètement allée appeler Antoine.
Il fallait que je l’entende. Qu’il me rassure. Qu’il me jure
qu’il ne dirait rien, qu’il ne me ferait pas courir de risques…
Il a
ri…
– Voilà
ce que c’est de pas avoir la conscience tranquille…
– Mais
non, c’est pas ça…
– Bien
sûr que si que c’est ça, Christina ! Bien sûr ! Parce
que, attends ! Tu as un mari en or… Qui se mettrait en
quatre pour toi… Qui gagne très confortablement sa vie… Et la
tienne… Grâce auquel tu as tout ton temps à toi. Et tu en fais
quoi de tout ce temps qu’il t’offre si généreusement ? Tu
cours te faire sauter par le premier venu…
– Tu
comprends pas !
– Qu’est-ce
que je comprends pas ? Qu’est-ce que tu vas me raconter ? Que
Laurent est quelqu’un d’adorable ? De très facile à
vivre ? Que tu n’as rien à lui reprocher ? Sauf qu’au
lit c’est loin d’être le top. Que tu t’éclates pas avec. Et
que ça, c’est quelque chose dont tu peux pas te passer. Que t’as
bien essayé, mais que c’est décidément au-dessus de tes forces.
C’est un peu facile, non, tu crois pas ?
– C’est…
Oui, enfin non ! Mais tu vas pas lui dire, hein, Antoine ?
Tu me promets ?
– Encore !
J’en ai assez, Christina, plus qu’assez que tu mettes comme ça
sans arrêt ma parole en doute.
– Je
la mets pas en doute.
– Ah,
non ! Qu’est-ce que t’es en train de faire ? Oh, mais
il y a des solutions ! Une bonne fessée, c’est radical, tu
vas voir. Ça t’en fera définitivement passer l’envie.
– Une
fessée ? Tu vas vas quand même pas…
– Te
mettre une fessée ? Si ! Bien sûr que si ! Une
fessée que tu vas même venir chercher. Et sur-le-champ.
– Mais…
– Il
n’y a pas de mais qui tienne ! Tu veux que je te garde le
secret, oui ou non ? Eh bien alors ! Allez, dépêche-toi !
Je t’attends…
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