Le
même pas feutré et la porte presque aussitôt rouverte. Le même
valet. Qui s’incline cérémonieux, impassible.
– Madame
s’est donc ravisée ?
Il
l’invite à entrer, main ouverte, tendue. Elle avance de quelques
pas sur les volutes entrelacées du tapis, s’arrête près du
fauteuil de velours rouge, hésite. Il sourit imperturbablement. Les
volutes s’entrecroisent et se perdent à l’infini. Rouges.
Bleues. Vertes.
– Il
faut dire que Madame n’a pas vraiment le choix…
Au-delà
du tapis s’enfuient les lattes vernies du parquet.
– Je
suppose qu’il est inutile de rappeler à Madame les conditions de
Monsieur ?
Elle
fait signe que non. Non, c’est en effet inutile…
– Bien…
Il
est là sans doute, de l’autre côté, derrière la porte à
moulures lambrissées grise.
– Monsieur
m’a chargé de mettre moi-même Madame dans la tenue où il
souhaite la recevoir…
Le
salaud ! Non, mais quel petit salaud !
Il
se penche, crâne dégarni, épaules écrasées, saisit le bas de la
robe, relève Elle rabat. Une fois… Deux fois…
– Que
Madame se montre donc raisonnable !
Deux
tableaux se font face, dans leurs cadres dorés, représentant l’un
– elle lève les bras – un paysage de neige à l’infini
et l’autre – il remet les manches à l’endroit, l’étale
soigneusement sur le fauteuil, lisse un pli du plat de la main –
un bâtiment de ferme avec quelques minuscules silhouettes dans les
champs en arrière-plan. Il dégrafe le soutien-gorge. Sur la
cheminée une horloge dorée enluminée d’angelots qui voltigent en
tendant des couronnes de lauriers à bout de bras. Il pose les mains
des deux côtés sur ses hanches. Il les glisse sous l’élastique
de la culotte… Qu’il descend… Dans la bibliothèque, juste en
face, les livres à tranches vert empire sont soigneusement alignés.
Jusqu’aux chevilles. Elle lève une jambe. L’autre…
– Les
chaussures maintenant… Tout… Il a dit tout…
Le
couloir est sombre et étroit. Les lattes du plancher collent
légèrement sous la plante des pieds. La lumière est brutale
soudain, aveuglante.
– C’est
cette dame que Monsieur attend…
– Fais
entrer, Bastien, fais entrer !
Il
s’efface, s’incline, referme la porte.
Monsieur
n’a pas levé les yeux. Il écrit. Il ne lève toujours pas les
yeux. Il est jeune. Très… Tellement jeune. Elle tousse. Une
immense baie vitrée, le parement d’un balcon, des toits, des murs,
un bout d’avenue. Elle tousse encore. La pièce est immense et
claire. Il lève enfin la tête, la regarde. De haut en bas… De bas
en haut… Il continue à écrire, ouvre un dossier, le referme.
– J’ai
fait le nécessaire… Tout sera rentré dans l’ordre en temps
voulu…
– Merci…
Il
recule sa chaise.
– Àcondition…
À condition bien entendu que notre contrat soit très
scrupuleusement respecté. Évidemment…
Il
contourne le bureau. S’approche.
– D’autant
plus scrupuleusement qu’il s’agit d’une somme considérable…
J’espère que vous avez conscience de l’effort que cela
représente pour moi…
Il
la fait pivoter, se saisit d’une de ses mains qu’il lui pose sur
la hanche. L’autre, il la lui fait mettre sur le front…
– Là !
Ne bougez plus !
– Vous
avez un fessier comme je les aime ! Bien en chair. Plantureux.
Un derrière à fessées. Incontestablement. Je sens que je vais me
régaler.
Il
regarde. Il contemple. Ça dure. Ça s’éternise.
– Venez !
Venez vous asseoir… Là… Asseyez-vous !
Il
sonne, s’installe, jambes croisées, face à elle. Il se tait. Ils
se taisent.
Silencieuse,
la jeune servante dépose le plateau entre eux sur la table basse.
Sans un mot. Sans un regard.
– Merci,
Jeanne… Vous avez vraiment beaucoup de chance que ce soit Lambert
qui ait découvert le pot aux roses… Un autre que lui… Lait ou
citron ? Lambert est un comptable hors pair qui trouve toujours
une solution… Quelle que soit la situation… La preuve !
Penchée
presque à l’horizontale, une main ramenée sur la poitrine pour
empêcher la robe de bailler, Jeanne verse le thé.
– Sans
lui – sans moi – vous seriez dans de sacrés beaux
draps… Enquête… Scandale… Vous ne vous en releviez pas… Et
votre mari…
Jeanne
lui tend sa tasse.
– Merci…
Et
puis à lui…
– Merci,
Jeanne…
Elle
se redresse, s’éloigne à pas feutrés.
(à
suivre)
Vivement la suite!
RépondreSupprimerNormalement jeudi prochain… Merci de votre passage. Bonne journée!
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