Je
ne m’en étais pas si mal sortie finalement ! Parce qu’en
débarquant comme ça à l’improviste, en exigeant que je me
regarde, sur cette vidéo, me caresser sous la douche, et ça en se
tenant à mes côtés, son but était à l’évidence de me
déstabiliser, de s’offrir le spectacle de ma confusion. De me
mettre délibérément mal à l’aise. Je ne lui avais pas fait ce
plaisir. J’étais restée impassible. Impénétrable. Je n’avais
rien laissé transparaître de ce que j’éprouvais. Même si, à
l’intérieur, c’était loin d’être simple. Comment aurait-ce
pu l’être ?
Et
maintenant ? Maintenant il voulait me voir me caresser « en
vrai ». Ou, plus exactement, me voir jouir « en vrai »
devant lui. Il s’en délectait manifestement par avance. Oui, ben
alors ça, il pouvait toujours courir. Je ferais mécaniquement les
gestes : bien obligée. Mais quant à avoir vraiment un orgasme,
c’était totalement exclu. J’allais me contrôler, mobiliser
toute mon énergie pour m’en empêcher et j’y arriverais. J’y
arriverais ? J’étais bien sûre de moi, là ! Non, parce
que, dans mon cas, le jet de la douche s’était toujours avéré
particulièrement efficace. Et il ne suffisait pas de décider qu’il
en irait cette fois-ci autrement pour que… D’un coup de baguette
magique… Allais-je être vraiment capable de me maîtriser ?
C’était là toute la question. J’en étais, par moments,
fermement convaincue et j’étais, à d’autres moments, tout aussi
fermement convaincue du contraire. De toute façon je n’allais pas
tarder à être fixée. Et j’appréhendais… Comment
j’appréhendais ! Finalement c’était peut-être le but
qu’il visait en m’annonçant le programme aussi longtemps à
l’avance : me faire vivre, plus d’une semaine durant, dans
la hantise de moi-même.
Il
avait rencontré Laurent. Il avait rencontré mon mari. Il s’est
empressé, à peine arrivé, de me l’annoncer…
– Trois
fois, en une semaine, que je tombe sur lui… Et par hasard… C’est
fou ça, non ? On s’est taillé une petite bavette du coup
tous les deux et on va s’inscrire au tennis. Non, parce qu’on
finirait par s’encroûter à force… Bon, mais c’est pas tout
ça… Dis un chiffre…
– Quatre.
Pourquoi ?
– Alors
la vidéo quatre on va se regarder…
– Hein ?
Mais…
– Mais
quoi ? Ah, le charmant petit spectacle que tu devais m’offrir
sous la douche ? Tu tiens absolument à ce que ce soit
maintenant ? Tout de suite ?
Ah,
mais non ! Non… Pas du tout… Et même…
– Eh
bien alors ! Un autre jour tu me montreras ça… On a tout
notre temps… Il y a rien qui presse… Allez, tu nous la mets cette
quatre ?
J’ai
très vite cliqué sur la trois. Avec un peu de chance il ne s’en
apercevrait pas. Parce que la quatre ! Ah, non, pas la quatre !
Seulement il avait l’œil…
– Qu’est-ce
tu fais ? Non, non… La quatre on a dit…
J’ai
dû me résoudre à la lancer, la mort dans l’âme…
– Ah,
c’est Madame qui chevauche… Et tu mets du cœur à l’ouvrage,
dis donc ! Tu rechignes pas à la besogne… Mais… Mais c’est
pas Laurent le monsieur… Qui c’est ?
– Tu
connais pas…
– Oui,
ben ça, je vois bien que je connais pas… Mais ça me dit pas qui
c’est…
– Un
ami…
– Un
ami très intime alors parce que… Ah, chut ! Ça y est,
écoute, tu jouis ! Regarde ! Mais regarde !
En
silence. Jusqu’au bout. Il a hoché la tête…
– Ça
fait pas semblant avec toi, dis donc ! Ça relève carrément du
raz de marée quand tu prends ton pied, oui ! Bon, mais ça me
dit toujours pas qui c’est ce type… On s’en fout, remarque !
Ce que je vois surtout, moi, dans cette histoire, c’est que ce
pauvre Laurent est cocu… Et on change complètement de registre,
là… Ça va m’obliger à me montrer beaucoup plus exigeant à ton
égard…
Il
entendait quoi par là ? Je n’ai pas osé lui poser la
question. Il a posé la main sur la souris…
– En
attendant on va se la remettre cette vidéo… Elle en vaut sacrément
la peine…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire