William Etty Male Nude Kneeling from the back; 1835-1845
– À
l’abordage !
– T’as
l’air bien décidée. Tu vas où comme ça ?
– Chez
tes voisins. Leur porter un cageot de prunes. Ce qui me donnera
l’occasion de voir les leurs de plus près. Et d’entamer un
dialogue qui, je l’espère, sera constructif. Tu viens avec moi ?
– J’ai
plein de trucs à faire.
– Bon,
ben je te raconterai alors ! À tout de suite.
– T’en
as mis un temps !
– Oh,
fallait bien ça.
– Pour ?
Eh bien, raconte, quoi !
– En
tout cas, ils sont charmants. Et hyper bien foutus. De près ça
saute encore plus aux yeux. Comment tu te régales ! T’as
loupé quelque chose, là. T’aurais dû venir.
– Vous
avez discuté ?
– On
n’a même fait que ça. Et je peux te dire que le Nicolas, il s’y
connaît sacrément bien en peinture. Quant à Gilles, on est tombés
d’accord. Je vais faire son portrait. En pied.
– Comment
ça, tu vas faire son portrait en pied ? À poil ?
– Évidemment,
à poil ! Quel intérêt, sinon ? Demain on commence. Tu
pourras venir si tu veux. C’est vraiment pas le genre de type que
ça va déranger.
– T’as
causé… T’as causé… Et tu l’as pas beaucoup peint le Gilles du coup.
– Mais
toi, par contre, t’as beaucoup reluqué en douce.
– Ça
s’est vu, tu crois ?
– Je
sais pas. Je crois pas qu’ils aient fait attention. Tu t’en fous
n’importe comment. Qu’est-ce ça peut faire ?
– Oui,
non, mais quand même ! Faudrait pas qu’ils aillent
s’imaginer…
– Que
quoi ? Que tu les trouves à ton goût ? T’es sûrement
pas la première. Et c’est le genre de chose qui fait plutôt
plaisir, non ? Tout le monde adore ça. En
attendant, moi, tu peux être tranquille que je vais prendre mon
temps, mais alors là, vraiment tout mon temps. Sous toutes les
coutures je vais le peindre le Gilles. Et l’autre aussi, là, le
Nicolas, bien pris, il va y attraper pareil. Faut pas qu’il
s’imagine qu’il va s’en sortir comme ça. Ah, tu peux
t’attendre à m’avoir un bon moment à squatter chez toi.
– Tout
le temps que tu voudras. C’est pour la bonne cause.
– T’aurais
dû venir. Parce que t’as vraiment loupé quelque chose, là.
– Oui,
mais comme je t’ai dit. Pas à chaque fois.. Toi, t’as une raison
pour y aller. Moi, j’en ai pas. Et j’aurais trop l’air de
vouloir surveiller tout ce qui se passe.
– Remarque,
dans un sens, valait peut-être mieux que tu sois pas là
aujourd’hui. Qu’on soit que tous les deux. Il était plus à
l’aise pour parler.
– Pour
parler de quoi ?
– Je
lui ai dit que t’avais remarqué qu’ils avaient les fesses rouges
des fois.
– T’as
pas fait ça !
– Ben
si ! Pourquoi ? Ce qui l’a beaucoup amusé… « Comme
quoi, elle est pas aussi miro qu’elle le prétend ! » Et
j’ai eu le fin mot de l’histoire. Ils font de la lutte tous les
deux. À haut niveau. Ils sont taillés pour, faut dire.
– De
la lutte ? Oui. Et alors ? Je vois pas le rapport.
– Mais
si ! C’est que les deux filles, là, quand elles viennent,
elles se prennent chacune un champion. Ils combattent. Et le gagnant,
celle qui l’avait choisi, elle l’emmène dans la chambre. Quant à
l’autre, il reste sur la béquille. Et la fille qui comptait sur
lui, ben elle le punit. D’autant plus vigoureusement qu’elle se
sent plus frustrée. C’est un jeu entre eux, quoi, en somme.
– Ah,
je comprends mieux.
– Ça
te laisse rêveuse, on dirait.
– Un
peu.
– On
jouerait bien, nous aussi, non ?
– Oui,
mais faut pas rêver.
– Eh,
qui sait ? Si on s’y prend bien… Moi, je suis bien décidée
à tenter le coup. D’autant qu’on y mange ce soir. Ils nous
invitent.
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