Quand je les ai découverts sur ses blogs:
les dessins et les textes de Didou m'ont tout de suite parlé. S'en est suivie l'idée de réaliser quelque chose en commun. Et j'ai écrit une histoire qu'elle a eu la gentillesse d'illustrer.
En voici le premier volet. ( il y en aura quatre )
AMANDINE
– Je vous
dérange pas ?
C’était Amandine,
la petite étudiante du dessus.
– Pas du
tout, non. Entrez !
– Vous allez
me trouver d’un sans gêne ! Surtout qu’on se connaît pas
beaucoup.
Ça,
c’était une évidence. Bonjour-Bonsoir quand on se croisait. Et on
en restait là.
– J’ai
longtemps hésité. Et puis je me suis dit que vous n’alliez pas me
manger. S’il veut pas, il veut pas et puis voilà…
Oui,
mais si je voulais pas quoi ?
– M’en
prêter, des livres. À ce qu’il paraît que vous en avez des
quantités.
– Venez !
Elle
a roulé des yeux effarés.
– Tout
ça ! Mais combien il y en a ?
– Pas
loin de six mille.
– Vous
les avez tous lus ?
– La
plupart. Bon, mais je vous laisse. Regardez ! Choisissez !
Prenez tout votre temps !
Elle
n’a fait sa réapparition que trois heures plus tard.
– J’abuse…
Et
en a emporté quatre.
– Je
peux ? C’est pas trop ?
Précieusement
serrés contre elle.
Elle
est revenue souvent. Elle passait un temps fou à côté. Au milieu
de mes livres. S’attardait aussi parfois à discuter avec moi. De
plus en plus souvent. De plus en plus longtemps.
– Ça
me fait du bien. Si, c’est vrai, hein ! Parce que c’est pas
souvent qu’on peut parler vraiment avec les types. Ceux de mon âge,
à part les jeux vidéos et le sport, il y a rien qui les intéresse.
Quant aux plus vieux, eux, une petite jeune, ils vont manœuvrer tout
ce qu’ils savent pour coucher avec. Il y a que ça qui compte pour
eux. Mais vous, on sent tout de suite que c’est pas pareil. Et puis
en plus, ce que vous dites, ça me donne toujours à réfléchir. Si,
c’est vrai, hein !
Et,
petit à petit, elle est entrée sur la voie des confidences. Des
confidences de plus en plus intimes. Sur ses parents, avec lesquels
elle ne s’était jamais vraiment entendue. Sa mère, surtout.
– C’est
bien pour ça : dès que j’ai pu prendre mon indépendance, tu
penses bien que j’ai pas hésité…
Sur
ses petits copains.
– Trois,
j’en ai eu. En tout et pour tout. Copies conformes les uns des
autres. À croire que je suis programmée pour toujours tomber sur le
même genre de pièges. Ou qu’ils sortent tous du même moule.
Et
sur Aurore.
– Alors
là, Aurore…
Elle
s’animait. Ses yeux se mettaient à briller.
– C’est
une fille extraordinaire. Tu ne peux pas ne pas en tomber amoureuse.
C’est impossible.
Elle
en était effectivement tombée amoureuse.
– Et
pire que ça encore !
Elle
venait deux à trois fois par semaine. Elle emportait et remettait en
place les ouvrages qu’elle désirait lire. Sans que je vérifie
jamais de quoi il s’agissait. Ça ne regardait qu’elle. Sauf que
ce mardi soir-là, en se retournant, dans l’entrée, pour me dire
au revoir, elle a buté dans la petite table basse, trébuché, voulu
se rattraper à la console et a laissé échapper les trois livres
qu’elle serrait, avec son coude, contre sa hanche. Elle a eu beau
se précipiter pour les ramasser, j’avais eu le temps de les
reconnaître. « Osez la fessée » « Guide de la
fessée et de la flagellation » « L’étrange passion. »
– Excusez-moi !
Excusez-moi !
Elle
s’est enfuie avec sans demander son reste.
Et
est revenue le lendemain.
– Qu’est-ce
que vous allez penser de moi maintenant !
– Holà !
Beaucoup de mal.
Elle
m’a jeté un long regard contrit.
J’ai
éclaté de rire.
– Mais
non, idiote !
Elle
s’est un peu détendue.
– Remarquez,
ce que je me suis dit, cette nuit, quand je dormais pas, c’est que
si vous les aviez dans votre bibliothèque ces bouquins, c’était
pas juste pour décorer. C’est que vous aussi ça vous intéresse.
Non ?
– Ben,
évidemment.
– Moi,
c’est à cause d’Aurore. Elle adore ça m’en mettre. Et comme
je peux rien lui refuser…
Elle
a semblé contempler quelque chose longtemps, très loin, par la
fenêtre.
– Enfin…
C’est vrai et c’est pas vrai… Parce que moi aussi, j’aime
bien. Surtout après. Quand elle me prend sur ses genoux, qu’elle
me câline et qu’elle me console.
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