J’ai
fait la connaissance de Lisa sur un forum entièrement consacré à
la fessée aujourd’hui disparu. On a sympathisé. Et on est entrés
en confidences. Elle éprouvait l’impérieux besoin de se raconter.
Messages en privé, par mails, nos échanges sont très vite devenus
quotidiens, puis, au bout de quelques semaines, multi-quotidiens. Ça
a duré. Plusieurs années. Nous ne nous lassions pas. Ni l’un ni
l’autre. Tant et si bien que j’ai fini par lui proposer une
rencontre. Elle m’a opposé une fin de non-recevoir catégorique.
Sans me fournir d’explication vraiment convaincante. J’ai bien
tenté, à plusieurs reprises, de revenir à la charge. Sans plus de
succès. Et je n’ai pas insisté.
Plus
je la lisais, plus je la relisais et plus je regrettais qu’elle ne
mette pas ses confidences en forme, qu’elle n’en fasse pas un
ouvrage structuré. Elle s’y refusait catégoriquement. À force
d’insistance, elle m’a finalement avoué que, non seulement elle
ne s’en sentait pas capable, mais, qu’en outre, ce serait, pour
elle, une insupportable corvée. Je lui ai alors proposé de me
substituer à elle pour écrire ses « Mémoires ». Ce
qu’elle a fini par accepter, après bon nombre de rebuffades et de
tergiversations. À trois conditions : que je lui garantisse un
anonymat absolu. On ne devait pas pouvoir l’identifier. Ça coulait
de source. Que je ne fasse aucun profit financier avec ce texte. Ça
allait également de soi. Et enfin qu’elle conserve un droit de
regard sur ce que j’écrirais. Tout – absolument tout –
devait scrupuleusement correspondre à ce qu’elle avait réellement
vécu, pensé ou éprouvé. Ce fut la partie du contrat la plus
difficile à respecter. J’ai dû reprendre jusqu’à quinze fois
certains passages, solliciter des précisions à n’en plus finir,
m’efforcer de me mettre dans sa peau. J’avoue avoir été
plusieurs tenté, découragé, de tout envoyer promener. Je suis,
malgré tout, finalement arrivé à bon port. Et Lisa m’a donné
son feu vert. Je peux donc commencer à mettre en ligne.
Accrochez-vous ! Ça va être long.
Mémoires
d’une fesseuse
Je
venais d’avoir mon bac. Avec mention. Et je voulais faire Langues
O. J’y tenais absolument. Depuis toute petite. Mes parents, eux, de
leur côté, faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour
s’efforcer de m’en dissuader. Non pas qu’ils aient quelque
préjugé que ce soit à l’encontre de ces études en particulier,
mais elles impliquaient que je « monte à Paris ». Ce qui
les terrorisait. Ils se représentaient la capitale comme une sorte
de Chicago des années trente où je courrais, matin, midi et soir,
une multitude de dangers de toute sorte. Où la mort me guetterait à
chaque coin de rue.
– Tu
te rends pas compte, Lisa, tu te rends vraiment pas compte.
Je
campais sur mes positions. Et eux sur les leurs.
C’est
la femme d’un notaire du coin, pour laquelle ils éprouvaient la
plus grande considération, qui a finalement débloqué la situation.
Sa nièce poursuivait, depuis un an déjà, ses études en fac de
droit à Paris. Elle n’y avait été ni détroussée ni violée ni
égorgée. Elle s’y plaisait même plutôt bien.
– Et
d’ailleurs, à ce qu’elle m’a dit, sa colocataire vient de lui
faire faux bond. Elle en cherche une autre. Alors peut-être que,
dans ces conditions, Lisa…
J’ai
sauté sur l’occasion. Oui, oui. Pas de problème. Ça m’irait
très bien de faire la colocataire de cette Marie-Clémence.
On
est montés la voir à Paris et elle leur a tout de suite plu.
– Elle
a l’air très plombée.
– Et
très bien élevée.
L’appartement
aussi était à leur convenance.
– C’est
propre. C’est clair.
– Et
calme comme tout.
Quant
au quartier…
– Il
a pas l’air si mal fréquenté que ça !
– Oui.
Et elle a les commerces tout près.
Et,
en septembre, je me suis installée avec Marie-Clémence. Qui était,
elle le reconnaissait elle-même, plutôt bordélique.
– J’espère
que ça va pas te poser problème. Parce que Vanessa, elle, elle
supportait pas.
J’étais
plutôt du genre ordonné, mais bon, j’étais pas obsessionnelle
non plus.
– Alors
à nous deux, ça fera une moyenne.
Autre
chose aussi dont elle voulait qu’on parle.
– Que,
dès le début, les choses soient claires.
C’était
les mecs.
– Non,
parce que moi, quand j’ai débarqué ici de mon fin fond de
province où tout le monde épie tout le monde, où tout le monde
juge tout le monde, où on vit en permanence à l’étroit, je me
suis senti pousser des ailes. Je savais plus où donner de la tête.
Tous ces beaux mecs, partout, qui demandaient que ça. Ah, je peux te
dire qu’il en a défilé dans mon lit. Ce qui exaspérait Vanessa.
« Tu crois que c’est commode, toi, de dormir quand t’en as
deux qui s’envoient en l’air, toute la nuit, juste de l’autre
côté de la cloison ? » C’était sans arrêt des
réflexions. Que si je croyais que c’était comme ça que j’aurais
mes examens. Qu’il faudrait pas que je m’étonne, après, si je
passais pour une moins que rien. Etc. Alors ce que je voulais te
dire, c’est que tu n’as absolument rien de cet ordre-là à
redouter avec moi. Tu vis ta vie comme tu l’entends.
– C’est
gentil, mais ça va pas être ma priorité, les mecs.
– Oui,
oh, alors ça ! C’est ce qu’on dit au début. Quand on
arrive… Mais après, quand on y a mis le nez.
– Mais
que ça t’empêche pas toi, hein !
– Oui,
oh, moi, ça s’est calmé maintenant. Les mecs, au bout d’un
moment, c’est bien toujours un peu pareil…
(à
suivre)
Félicitations pour cette brillante rentrée du site.
RépondreSupprimerJ'attends impatient la suite du récit, donc le moment où la brave Lisa déculottera sa colocataire afin de lui appliquer une salutaire discipline xD
Merci. Oui. Cette longue interruption aura été, je crois, bénéfique. Il faut savoir parfois prendre du recul pour reconsidérer les choses d'un œil neuf et ne pas laisser la routine s'installer. Quant aux mémoires de Lisa, elles sont parties pour durer. À bientôt.
RépondreSupprimerPareil, je me lance dans ces mémoires. Vivement demain.
RépondreSupprimerPour info, il y aura 31 épisodes. Et une suite que j'ai commencé à rédiger et qui est déjà très avancée.
RépondreSupprimerChouette chouette !
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