Tout
se passait bien. En général, à midi, tout se passe toujours bien.
Les clients sont en bas. Ils déjeunent. Les chambres sont vides. On
peut donc les visiter et s’y approvisionner tout à loisir. Tout se
passait d’autant mieux que la récolte était d’importance.
Montres, bijoux, liquidités. On en avait pour notre argent. Si on
peut dire.
On
allait en finir. On était dans la toute dernière chambre, au bout
du couloir, quand la porte s’est brusquement ouverte et on s’est
trouvées nez à nez avec un petit vieux à la mine stupéfaite.
– Mais…
qu’est-ce que vous faites là ?
– Rien.
Rien. On s’en va. On s’est trompées de chambre.
Il
n’a pas été dupe. Il a jeté un coup d’œil à nos sacs gorgés
de butin et il s’est mis à hurler à pleins poumons tandis qu’on
détalait, à toutes jambes, dans le couloir.
– Au
voleur ! Au voleur !
En
haut de l’escalier, la patronne nous a barré la route, sa sœur
sur les talons.
– Qu’est-ce
qui se passe ici ?
Le
vieux nous a rejointes, soufflant et vociférant.
– Elles
m’ont volé ! Elles m’ont dépouillé. Gourgandines !
Canailles ! Les gendarmes ! Qu’on appelle les gendarmes !
Elles
ont exigé.
– Vos
sacs ! Faites voir vos sacs !
On
n’avait pas le choix. On les leur a remis, la mort dans l’âme.
Elles y ont plongé les mains.
– Oui.
Bon. C’est clair. Effectivement, les gendarmes !
On a
eu beau sortir le grand jeu : il était tuberculeux, mon père.
Et la mère de Marthe, phtisique. Il y avait plein de frères et
sœurs à la maison. Qu’avaient rien mangé depuis trois jours. Et
tra la la… Et tra la la… Elles ont rien voulu savoir quand même.
– Vous
les nourrissez avec des montres, ces marmots ? C’est ça ?
– Mais
non, mais…
Derrière
le vieux arrêtait pas de glapir.
– Les
écoutez pas ! Ce sont des malfaisantes. Les gendarmes ! En
prison ! En prison !
On
était en mauvaise posture. En très mauvaise posture. Alors on a
sorti notre arme fatale. Celle qui jusque là, dans ce genre de
situation, nous avait toujours remarquablement bien réussi.
– Oh,
s’il vous plaît, Madame, pas les gendarmes. Donnez-nous la fessée
plutôt ! Et on recommencera pas. On vous promet.
Il y
a eu un long moment de flottement. Les deux sœurs se sont regardées,
indécises.
Quant
au vieux grigou, il s’est bizarrement montré beaucoup plus
conciliant tout à coup.
– C’est
sûrement la première fois. Tout le monde peut commettre une erreur.
Faut leur laisser une chance. Et sûrement qu’une bonne fessée, ce
sera tout aussi efficace, au bout du compte, que les gendarmes, les
juges et tout le saint-frusquin.
Elles
se sont concertées à voix basse.
– Bon,
ben allez, alors !
Nous
ont poussées dans une chambre où le vieux cochon s’est empressé
de se faufiler à notre suite.
Elles
ont refermé la porte, se sont assises, nous ont attirées à elles.
– C’est
par ici que ça se passe…
Elles
nous ont troussées, déculottées… Et alors là… Ouille !
Ouille! Ouille ! On en avait déjà eu, des fessées, oui. Les
deux fois qu’on s’était fait prendre. Mais jamais aussi fortes.
Ni aussi longues. Elles riaient tout ce qu’elles savaient. En
plus !
– Vous
avez voulu une fessée ? Eh ben, vous plaignez pas, vous êtes
servies.
Et
elles y allaient de leurs commentaires.
– Le
cul de la mienne, il rougit plus vite.
– Oui,
mais la mienne, elle piaule davantage. T’entends cette jolie voix
qu’elle a ?
Quant
au gros pervers, derrière, il perdait rien du spectacle. Le visage
violacé, suffocant, il transpirait à grosses gouttes.
Elles
s’interrompaient de temps à autre.
– On
s’en tient là ?
– T’es
fatiguée ?
– Oh,
non, non ! Pas du tout !
– Moi
non plus !
– Alors…
Et
elles reprenaient de plus belle.
Elles
ont quand même fini par arrêter.
– Là !
Elles ont leur compte.
– Oui.
M’étonnerait qu’elles reviennent s’y frotter.
Elles
nous ont raccompagnées jusque sur le trottoir.
– Les
garces ! Non, mais quelles garces ! T’as vu leurs têtes ?
Ah, ça leur plaisait, il y a pas à dire, de nous tambouriner le
popotin. Elles adoraient, oui !
– On
leur a tendu le bâton pour se faire battre. Elles en ont profité.
C’est de bonne guerre. Mais en attendant, on repart sans rien.
– Tu
voudrais quand même pas… ?
– Qu’on
essaie ailleurs ? Ben…
– Ah,
non, pas tout de suite, attends ! J’ai le derrière dans un
état !
– On
se fera pas prendre ce coup-ci.
– Alors
ça, t’en sais rien du tout !
J'adore !!!!!
RépondreSupprimerMerci!
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