jeudi 26 décembre 2019

Fessées punitives (35)


C’est la dernière personne à laquelle j’aurais imaginé avoir un jour recours. C’est pourtant lui que j’ai appelé. Étienne. Aussitôt Océane partie. Parce que j’avais éprouvé un tel plaisir à la cingler que j’en étais absolument terrifiée.
Il m’a écoutée lui exposer tant bien que mal la situation au téléphone. Sans jamais m’interrompre.
Il s’est contenté, quand j’ai eu terminé, d’un « Venez ! Je vous attends ! » péremptoire.
Et j’ai pris la route, regrettant déjà mon initiative. « T’as de ces idées, ma pauvre fille ! Tu vas en prendre plein la gueule pour pas un rond. Et, si ça tombe, déclencher des catastrophes en série dont tu n’as pas la moindre idée. T’aurais bien mieux fait de te tenir tranquille. » Mais il était trop tard pour reculer.

Il m’a avancé un fauteuil.
‒ Asseyez-vous !
A pris place en face de moi, m’a fixée un interminable moment sans rien dire. J’ai croisé, décroisé, recroisé les jambes, encombrée de moi-même. J’ai fini par me résoudre à prendre la parole.
‒ Si je suis venue…
Il m’a sèchement coupée.
‒ C’est que vous avez pris un pied pas possible à fouetter Océane. Et que ça vous a complètement déstabilisée. J’ai bien compris, oui. De quel droit ?
Je me suis troublée.
‒ C’est parce que… La façon dont elle s’est comportée Par rapport à Julien… Elle a cherché à nous séparer.
‒ Et alors ! C’est pas une raison.
J’ai bafouillé.
‒ Je l’ai pas forcée non plus. Elle était d’accord. C’est même elle qu’a demandé. Pour que je lui pardonne. Pour que ça redevienne comme avant toutes les deux.
‒ En somme, ce qu’il s’est passé, c’est que vous avez fait votre petite soupe, toutes les deux, sans en parler à personne. Derrière notre dos à tous. C’est bien ça ?
‒ Non. Enfin, si ! Oui, mais
‒ Vous avez joué avec le feu, Lucile. Ce n’était absolument pas à vous de punir Océane. Il fallait nous en parler à nous. Nous aurions avisé et pris, le cas échéant, la décision qui convenait. Vous ne pouvez pas être à la fois juge et partie.
‒ Je croyais J’ai cru
‒ Eh bien, vous avez eu tort. Vous n’aviez pas, vous n’avez pas à punir qui que ce soit. Ou pas encore. Cela viendra peut-être. En son temps. Mais, pour l’heure, c’est à tout le moins prématuré. Alors pas étonnant que vous vous sentiez aussi désorientée, aussi perturbée. Vous avez cru bon d’endosser un rôle qui ne pouvait pas, qui n’avait pas à être le vôtre. Et vous avez mérité d’être punie pour ça. Non ?
Hein ? Je croyais pas, non. Peut-être. Je savais pas en fait.
‒ Bien sûr que si que vous savez. C’est même pour ça que vous êtes venue me trouver. Pour que je vous punisse d’avoir pris cette initiative malheureuse. Et d’en avoir éprouvé une satisfaction intense. Parce que vous êtes parfaitement convaincue, tout au fond de vous-même, qu’il n’y a guère qu’une bonne fessée qui puisse vous débarrasser, au moins partiellement, du sentiment de culpabilité qui vous a investie depuis. Et qui vous ronge. Je me trompe ?
Non. Non, il ne se trompait pas. Ça m’est brusquement apparu comme une évidence absolue. J’en avais besoin de cette fessée. Un besoin impérieux. Pour me retrouver en accord avec moi-même. Pour arriver à me pardonner. Oui, il me la fallait. De toute urgence.
Je me suis levée. Je me suis approchée de lui.
‒ Punissez-moi !
Il m’a fait relever.
‒ Vous le serez. Promis ! Bientôt. Très bientôt. Mais pas ici. Pas maintenant. Là-bas. Chez vous. Devant tout le monde.

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