Dessin de Louis Malteste
En
surfant de ci de là sur Internet, je suis tombée sur cette
annonce :
« Artiste
peintre recherche modèles féminins pour réalisation d’un projet
sur le thème de l’astrologie. Exposition prévue au Petit
Palais. »
Et
pourquoi pas ? Sans me vanter, j’étais pas si mal fichue que
ça. L’astrologie m’avait toujours interpellée. Et la
perspective d’une multitude de visiteurs défilant, admiratifs,
devant des tableaux pour lesquels j’aurais posé n’était pas
pour me déplaire.
J’ai
hésité. Un peu. Pas bien longtemps. Pour la forme. Et je me suis
lancée.
La
réponse ne s’est pas fait attendre.
« Le
mieux, c’est que nous nous rencontrions pour en discuter de vive
voix, non ? Alors, si vous le voulez bien, rendez-vous demain, à
quatorze heures, au Lutèce, boulevard Saint-Michel. »
Il
était déjà là.
Main
tendue par-dessus la table. Sourire de bienvenue convenu.
– Qu’est-ce
que vous buvez ?
Et
il a parlé. Parlé sans discontinuer près d’une heure durant.
D’abord de lui. De son livre. Dont il a négligemment déposé le
manuscrit sur le bord de la table.
– Le
contrat est signé. Il sort en juin prochain.
De
son œuvre. Qui se trouvait exposée dans différents musées à
travers le monde. À Philadelphie. À Vienne. À Venise. Ailleurs
encore.
Mouais…
Ça commençait à sentir le mytho à plein nez, tout ça !
De
son projet.
– Que
je vous explique… Il va s’agir, pour moi, d’illustrer chacun
des signes du zodiaque par des figures allégoriques qui apparaîtront
de plus en plus dénudées au fur et à mesure qu’on progressera
sur la roue. Vous êtes de quel signe ?
– Poissons.
Il a
esquissé un imperceptible petit sourire de gourmandise.
– Le
dernier. Le seul que je représenterai intégralement nu. Ça ne vous
pose pas de problème au moins ?
– Non.
A priori aucun.
Ça
m’en posait d’autant moins que c’était cousu de fil blanc son
truc, que je voyais clair dans son jeu, qu’il me prenait pour une
lapine de trois semaines, qu’il y aurait jamais d’exposition,
sans doute jamais de tableau et que tout ça, c’était un prétexte
pour me faire foutre à poil.
– Bon,
mais que je vous précise comment je travaille… Sur photos…
Uniquement sur photos…
Ben,
voyons !
– C’est
mieux. Beaucoup mieux. Plus de ces interminables séances de pose
épuisantes pour le modèle.
C’est
ça ! Et tu te branles sur les photos. Et, éventuellement, tu
les balances sur Internet. Quant au tableau, on en verra jamais la
couleur. Non, mais prends-moi bien pour une bille !
– Cela
étant, je ne vous promets rien. Parce que je ne vous cacherai pas
que j’ai reçu de très nombreuses candidatures. Dont quatre ou
cinq Poissons. Il y en aura sans doute d’autres. Le choix va être
cornélien.
Il
s’est levé.
– Je
vous tiendrai au courant dès que ma décision sera prise.
M’a
serré la main, l’a retenue un peu plus longtemps qu’il n’aurait
fallu.
– Je
ne veux pas vous donner de faux espoirs, mais il y a de fortes
chances pour que ce soit vous qui soyez retenue.
Évidemment
que je serai retenue. Évidemment ! Et les autres aussi. Toutes
celles qu’il pourra. Pour se constituer une jolie petite
collection. Pauvre type, va !
Trois
jours après, j’avais la réponse. Positive, bien sûr. Donc… Eh
bien donc, il m’attendait pour une première séance de photos.
Il
m’attend encore.
J’y
vais pourtant. En imagination. Le soir, dans mon lit.
Il
me reçoit dans un atelier immense aux larges baies vitrées qui
donnent sur les toits de Paris. Il y a des toiles un peu partout. Des
vierges. Des ébauchées. Des terminées.
Comme
quoi, ma petite Lucie, faut pas juger avant de savoir.
Il
me sourit.
– Décidée ?
– Oh,
oui, oui !
– Eh
bien alors, je vais vous demander de bien vouloir vous déshabiller.
Il
me regarde faire. Avec un intérêt manifeste. Mais cela ne me
dérange pas, ne me dérange plus maintenant que je sais qu’il est
véritablement artiste peintre. J’y prends même un certain
plaisir. Et je fais durer. Je replie soigneusement mes vêtements, un
à un. Je les dépose sur une petite table, près d’un chevalet.
Quand il ne me reste plus que ma culotte, je fais mine d’hésiter.
Il me fait signe que oui, ben oui, elle aussi…
Elle
aussi. Et je reste là, bras ballants. Sans trop savoir quoi faire de
moi-même.
Il
ne dit rien. Il ne fait rien. Il me regarde. Et sourit encore.
– Je
ne regrette pas mon choix. Vous avez un corps magnifique.
Je
rougis.
– Merci.
– Bon,
mais allez, au travail !
Il
me fait prendre la pose, vient modifier la position de mon bras,
celle de ma tête, prend du recul, fronce les sourcils, revient,
recommence. Me déplace une jambe, la cuisse.
– Là !
Ne bougez plus !
Et
il me photographie. Il me mitraille. Dix bonnes minutes durant.
– C’est
bon ! J’ai ce qu’il me faut.
– C’est
tout ?
– Ben
oui, c’est tout, oui. Je vous recontacterai si nécessaire. Et,
bien entendu, dès que j’aurai mis la dernière main au tableau.
Il
se passe du temps. Beaucoup de temps. Des semaines. Des mois. Jusqu’à
ce qu’enfin, un beau matin, le téléphone sonne.
– Vous
pouvez faire un saut à l’atelier ?
Si
je peux ? Et comment que je peux !
– J’arrive.
J’y
cours. J’y vole.
Il a
l’air un peu embarrassé.
– Si
je vous ai demandé de venir, c’est que j’ai un petit souci. J’ai
été amené à modifier sensiblement la façon dont je conçois mon
projet. À lui donner une autre orientation.
Une
autre orientation ? Mon sang ne fait qu’un tour.
C’est-à-dire ? Il ne va pas me remplacer au moins ?
– Oui.
De la façon dont je perçois maintenant les choses, le personnage
qui représente le signe des Poissons, se sera vu administrer quelque
temps auparavant une cuisante fessée.
– Une
fessée !
Mon
cœur ne fait qu’un bond dans ma poitrine. Une fessée ! Quel
bonheur ! Une fessée !
Il
se méprend sur le sens de mon cri.
– Mais
si cela vous pose le moindre problème…
– Oui,
enfin non. Si. Oui. Non. Je sais pas. Il faudrait que quoi ?
– Que,
dans un souci de réalisme, vous consentiez…
– Ah…
J’en
crève d’envie, mais je ne veux pas rendre les armes trop vite. Je
ne veux pas qu’il s’aperçoive, qu’il se doute. Alors je fais
mine d’hésiter. De m’y résoudre malgré moi.
– Si
c’est nécessaire…
– Ça
l’est…
– Ça
fait très mal ?
Il
se veut rassurant.
– Un
peu, mais pas tant que ça. Et puis ça ne durera pas bien longtemps.
Juste le temps que votre fessier prenne la coloration appropriée.
Je
finis par consentir.
– Bon,
ben allez alors !
Il
ne me laisse pas le temps de changer d’avis.
– Il
faudrait que…
Que
je me déshabille. Oui. Bien sûr. Évidemment… Je me déshabille.
Il
avance une chaise, il m’attire en travers de ces genoux et il tape.
Il tape et il fait pas semblant, le salaud ! Il y met tout son
cœur. Ça brûle. Ça résonne. Ça cuit. Ça m’explose sur le
derrière. Ça m’envahit. Je gémis. Je feule. Le plaisir
m’envahit. Il s’arrête quelques fractions de seconde.
– Ah,
tu aimes ça ! Eh bien, tu vas en avoir !
Et
il reprend de plus belle. C’est une tornade. Un raz de marée de
jouissance.
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