– Eh
bien, Gaëtane, on s’est oubliée ce matin ?
Tout
haut… Tout fort… Devant tout le monde…
– Je
suis désolée…
– Ah,
vous pouvez… Deux heures de retard…
– Le
réveil a pas sonné…
– Achetez-en
un autre… Un qui marche…
Les
collègues ricanent… Toutes…
Il
va d’un poste à l’autre…
– C’était
bien vous le dossier Clairins, Solange ? Ils ont répondu… Je
vous ai transféré le mail…
– Encore
là-dessus, Bénédicte ? Laissez tomber… Passez à autre
chose…
Et
puis il est derrière moi…
– Il
y a ça pour l’Allemagne, Gaëtane… C’est urgent… Et… Ah,
oui… J’oubliais… Pour les deux heures de tout-à-l’heure vous
resterez les récupérer ce soir…
Je
rougis…
– Bien,
monsieur…
– Gaëtane !
Je
sursaute…
– Hein ?
Quoi ?
– La
nuit a été épuisante, à ce qu’on dirait…
Les
collègues éclatent de rire…
– Mais
non, mais…
– Oh,
si, si ! Vous avez une mine ! Et vous tombez de sommeil…
Tenez, descendez donc ça à l’accueil… Ça vous réveillera…
Et vous évitera de piquer du nez sur votre écran…
Et
ça recommence… Comme l’autre fois… Monter… Descendre…
Porter ceci… Ramener cela… Il prend un malin plaisir, chaque
fois, à me laisser me rasseoir… À me regarder me rasseoir… Avec
mille précautions… En réprimant une grimace… Et à me faire
presque aussitôt relever… À m’envoyer ici… À m’expédier
là…
Bénédicte
vient m’emprunter mon agrafeuse…
– T’en
as pris une, hein ?
En
chuchotement… D’un air entendu…
– Une ?
Une quoi ?
– Oh,
tu peux bien me le dire… Ça se voit n’importe comment… C’est
qui ? Ton petit copain ?
Je
ne réponds pas… Je fixe obstinément mon écran…
Elles
s’en vont… Les unes après les autres… Je ne bouge pas… Je
reste à ma place…
– Bon
courage ! À demain…
Leurs
rires dans le couloir…
Deux
heures… Il a dit deux heures…
Il
s’en est écoulé une entière quand il s’extirpe enfin de son
bureau…
– Vous
faites voir ?
Que
je fasse voir ? Mais quoi ?
– Jouez
bien les imbéciles !
Il
me regarde me mettre les fesses à l'air… Me fait pivoter sur moi-même…
– Magnifique !
Le rouge vous va décidément à ravir…
Un
portable sonne… Celui de Bénédicte… Resté sur son bureau…
Il
épouse les contours de sa fessée… Du bout du doigt… Avec des
arrêts… Des retours en arrière… Il appuie par endroits…
Insiste…
Je
me crispe…
– Ça
fait mal ?
– Un
peu…
– Il
faudrait pourtant bien en rajouter une couche… Deux heures de
retard… Ce serait amplement mérité, non, vous croyez pas ?
– Si !
– Seulement
il va se passer quoi si on remet ça ? Vous allez encore vous
contorsionner toute la nuit, avec délectation, devant la glace… Et
demain matin, ce n’est pas deux heures de retard que vous aurez,
mais quatre…
– Je
sais pas…
– Eh
bien, moi, je sais… Alors le plus judicieux, ça va être de la
mettre en réserve cette fessée… De vous la garder pour plus tard…
Bien au chaud…
S’il
veut… Comme il veut…
– Et,
pour le moment, on va se contenter de vous envoyer méditer dans cette tenue une petite
heure au coin…
Des
pas dans le couloir… Des pas précipités… Des pas de femme… La
porte…
– Quelle
idiote je fais ! J’ai oublié mon… Ah, ben alors ça !
Ah, ben d’accord !
(à
suivre)
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