Flavian, bonsoir…
Mon beau-père devait vraiment considérer
– et sans doute n’avait-il pas tort – que l’oisiveté me faisait courir de
graves dangers parce que le lendemain, à la première heure, il était là…
« Tu vas te rendre à cette adresse… Au plus tôt… Tu y seras reçue par une
connaissance à moi… Qui veut bien me rendre le service de t’embaucher… Alors
tâche de te montrer à la hauteur et de ne pas me faire regretter d’être
intervenu… »
C’était un gros homme rougeaud qui a
parcouru mon CV, les sourcils froncés et qui a fait la moue… « Mouais…
Mouais… Je ne vous cacherai pas que votre profil ne correspond pas vraiment à
ce que nous recherchons… Mais enfin Paul est un ami de longue date… Auquel je
suis très redevable… Alors je veux bien vous donner une chance… Toutefois, dans
un premier temps, une sérieuse mise à niveau s’impose… En ce qui concerne en
tout cas le fonctionnement de l’entreprise et les connaissances spécifiques
nécessaires à l’accomplissement des tâches qui vous seront confiées…
Et je suis passée d’une Madame Bonnet à
un Monsieur Servin… D’une Mademoiselle Carrère à une Madame Raton… Pour, au
bout du compte, à l’usage, me trouver « spécialisée » dans la
correction des fautes d’orthographe et de syntaxe dont le directeur et la
plupart de ses proches collaborateurs truffaient le moindre des textes qu’ils
rédigeaient…
C’est le cœur léger que je me rendais
chaque matin là-bas… L’ambiance était bonne… Les collègues sympathiques… Le
travail pas désagréable du tout… Quant à mon salaire je le considérais un peu
comme de l’argent de poche, mais, au lieu de le dilapider en sottises, je le
mettais sagement de côté sur un compte-épargne que j’avais spécialement ouvert
pour l’occasion… La leçon avait porté ses fruits…
Charlie travaillait dans le bureau
voisin… Le matin j’avais droit à mon café, servi à domicile… À dix heures à mon
petit pain au chocolat… Vingt fois par jour il avait un renseignement à venir
me demander, un dossier à récupérer, une adresse à vérifier… Il en profitait
pour s’attarder un peu à bavarder… De choses et d’autres… De Manosque où il
était né et où j’avais, enfant, passé de temps à autre des vacances… De Serge
Lama dont il appréciait infiniment le répertoire… Moi aussi… De cuisine… C’était l’une de ses
passions… Il était clair – de plus en plus clair – que je ne lui étais pas
indifférente… C’était plutôt flatteur… Et d’autant plus agréable que courtois, attentionné,
empressé, il restait toujours bien sagement « dans les clous… »
Et à moi est-ce qu’il me
plaisait ? Je ne me posais seulement pas la question… Il n’avait pas à me
plaire ou à ne pas me plaire… J’étais mariée… Et j’avais bien trop bonne opinion
de moi-même pour m’imaginer un seul instant dans la peau d’une femme qui trompe
son mari… Tant et si bien que le jour où il m’a proposé de l’accompagner à un
concert de Serge Lama – l’un de ses amis, a-t-il prétendu, s’était désisté au
dernier moment – c’est en toute confiance que j’ai accepté… Confiance en lui,
mais, surtout, confiance en moi…
À la sortie du concert, il crevait de
faim… « C’est dimanche demain… On n’est pas pressés… » Moi, de toute
façon, j’étais encore bien trop pleine du spectacle auquel je venais d’assister
pour avoir envie d’aller me coucher… On s’est donc retrouvés tous les deux
attablés, à une heure du matin, dans un petit restaurant où on a discuté, à bâtons
rompus, jusque tard dans la nuit… Il faisait incroyablement doux et, quand on en
est sortis, on a erré longtemps encore, au hasard, par les rues… Quand on s’est
enfin quittés, à regret, le jour était depuis longtemps levé…
Il a laissé passer un peu de temps – une
dizaine de jours – et puis… « Tu fais quelque chose de spécial samedi ? »
« Samedi ? Non… Je crois pas, non… Pourquoi ? » « Parce
que… toi qui apprécies la cuisine raffinée… je t’aurais fait découvrir un de
ces restaurants ! Tu m’en aurais dit des nouvelles… » « Je sais
pas… Je verrai… Je te dirai… »
C’était tout vu… Pourquoi j’aurais
refusé ? Rien – que ce soit dans son comportement ou dans ses propos – ne pouvait
m’en fournir le prétexte… Et puis… j’en crevais d’envie… Alors…
Et le samedi suivant…
Je vous embrasse, Flavian…
CAMILLE
Et après !!! Et après !!!
RépondreSupprimerFrançois ou l'art de rendre ses lectrices impatientes !!!
Surtout là! ;))... On suit les confidences de deux personnages qui se les échangent... L'attente n'en est que plus longue...
SupprimerLe samedi suivant, je sais, pas, mais le dimanche suivant, beau-papa et panpan cucul !
RépondreSupprimerÀ votre avis, elle est naïve ou elle fait semblant de l'être?
RépondreSupprimerles deux mon capitaine ?
RépondreSupprimerÇa va souvent de pair. ;)
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